mardi 13 décembre 2011

Les Cahiers d'Ukraine d'Igort

Ecrasant. Igort, l’auteur, rapporte les témoignages, les histoires bouleversantes d’Ukrainiens, croisés au hasard d’un détour ou d’une rencontre. Cahiers d’Ukraine est un livre de transcriptions illustrées, une mise en récit de témoignages, un travail d’historien, de conteur et d’écouteur.
Son dessin est fait de traits hachés, presque violents, nerveux. Les personnages ne sont pas de peau mais de rides, de cernes, de creux, ils sont faits des marques violentes de la vie. La dureté, la tristesse, la violence transparaissent, respirent et transpirent sans cesse de ses dessins. Le travail de la couleur continue ce travail de sape et bouleverse encore le lecteur : blancs, beiges, ocres ; le noir est la seule couleur qui se tient car de ces récits du passé, de ces témoignages d’un autre temps, la couleur s’en est allée comme si un lavis avait usé les teintes vives, les couleurs de vie. Tout est passé, des joies aux couleurs : les personnages défilent comme leurs histoires ; la mort rôde, compagne des dictatures, des injustices, de la cruauté des hommes, des fils et des épouses. Il ne reste au témoin que l’attente de la mort sans crainte ni joie, la mort sans effroi et sans appel, juste une vie qui passe ainsi que les régimes, des famines staliniennes aux dettes du capital. Ne demeure peut-être que le nom, tracé sur les lignes d’un cahier d’écolier, et l’intuition, malgré les plus injustes sacrifices, les pires renoncements et les plus durs efforts, que tout continue, comme le dit Nikolaï Vassilievitch, « simple, un geste après l’autre, ça a son charme ». Un ouvrage poignant, bouleversant, qui ne cherche qu’à raconter les choses, telles quelles, « vues et vécues », sans pessimisme ni optimisme. On le referme avec le goût acide de l’injustice et la nausée de ces systèmes huilés, administrés, acceptés, implacables et absurdes qui broient, réduisent et effacent les hommes.
                     

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