samedi 28 avril 2012

Exposition :
Le missionnaire, héros de BD.
Racines chrétiennes de la BD franco-belge

Chacun se rappelle du « Bon Père » en soutane blanche qui sauve par deux fois Tintin dans l’épisode situé au Congo. Mais la figure du missionnaire aventureux apparaît aussi dans de nombreux récits parus dans Spirou ou Tintin. A travers ce personnage particulier, c’est toute une part de l’histoire de la BD franco-belge qui se dévoile : racines chrétiennes, goût pour les aventures exotiques, esprit didactique …
Avec des planches originales de Jijé et Defoux.
Commissaire de l’exposition : Philippe Delisle
Organisé avec l’appui du Laboratoire de recherches historiques Rhône-Alpes, du Centre religieux d’information et d’analyse de la Bd, et du festival BD de Lyon.
Lieu : Centre de documentation et d’archives des œuvres pontificales missionnaires, 12 rue Sala, 69002 Lyon
Dates et horaires : du 1er juin au 9 juillet, 9h-12h et 13h-17h, entrée libre
Conférences dans le cadre de l’exposition : le 1er juin à 17h : « Une BD chrétienne, pourquoi ? », par Roland Francart, directeur du CRIABD/ le 12 juin à 18h : « Hergé : une œuvre née dans le terreau catholique » par Philippe Delisle, maître de conférences en histoire à l’Université de Lyon.

mardi 13 décembre 2011

Le Décalogue de Giroud : fiction et histoire

Le Décalogue est rapidement devenu une oeuvre de référence par son originalité. Le personnage principal en est Nahik, un livre censé être la transcription des dernières paroles du Prophète Mohammed, dont l'existence, de siècles en siècles, apporte souffrances, mort et cauchemars à ses possesseurs. Ce n'est en rien un livre maudit, aucune magie là-dedans, bien plutôt le poids immense que peut représenter la possession d'un tel joyau scripturaire. Giroud est un maître de l'écrit et son Décalogue semble un hommage appuyé à la puissance du livre aussi bien qu'une interrogation profonde, riche et complexe sur les rapports des hommes à la Tradition et à l'Histoire, dans son déroulement et dans son écriture. L'originalité du Décalogue se retrouve dans sa mise en forme : si le scénariste demeure, les dessinateurs se succèdent et chaque tome est l'occasion d'un nouveau style, d'une nouvelle forme de récit et d'une nouvelle étape dans la chronologie. On passe sans problème de la conquête napoléonienne de l'Egypte aux intrigues familiales des Fleury-Nadal.
Derrière cette oeuvre, Giroud interroge les rapports profonds tissés entre homme, histoire et écriture pour semer le doute dans l'esprit du lecteur entre fiction et réalité : l'écrit historique est aussi fictionnel.

Blacksad, L'Enfer, le silence

Alors que les albums précédents avaient laissé un goût amer aux amateurs du tome 1, malgré le dessin parfaitement maîtrisé, le quatrième tome de Blacksad, intitulé sobrement L’Enfer, le silence, nous plonge avec délice dans les affres jazzy de la Nouvelles-Orléans. Le choix est fait : la cité anonyme et rêvée, créée par le fantasme de l’urbain et du roman noir, est remplacée par une autre, bien réelle, la Nouvelle-Orléans. Cependant, les auteurs n’ont pas choisi le berceau du jazz par hasard : la ville est un lieu de fantômes, d’influences multiples, de premiers maîtres du jazz aux labels prestigieux, des spectres français du bayou aux fantasmes colorés du carnaval.
            Blacksad semble brinquebalé aux quatre coins de la ville, ville-fleuve suscitant les rêves américains du Mississipi, ville-carnaval faite de musiques, de joies, de bruits et d’exagération, ville-jazz enfin, composée par les basses, les influences cosmopolites et les volutes alcoolisées des cigares. Le détective félin est une fois de plus plongé dans une enquête ardue : retrouver la trace de Sébastian Fletcher, un pianiste de jazz surdoué mais héroïnomane, disparu en laissant derrière lui sa femme enceinte. Le scénario nous plonge dans les méandres d’une intrigue majoritairement composée par les multiples flashbacks, dont la chronologie complexe laisse des zones d’ombre à l’enquête.
          L'abandon de l'usage d'une couleur dominante pour l'album est un point d'importance : la Nouvelle Orléans offre au contraire à la palette de Guarnido l'occasion d'un débordement multicolore (et pas seulement pour représenter l'exubérance de la fameuse parade du Mardi gras) sans précédent dans la série. Les visions sous héroïnes de Sébastian font poindre un univers visuel nouveau, loin de la monochromie caractéristique des autres tomes (noir pour le premier tome, blanc pour le deuxième et rouge pour le troisième).
             Ce quatrième tome vibre donc, aux rythmes du jazz, comme un véritable hommage à la ville-fantasme néo-orléanaise, ville-carrefour où se croisent des personnages étranges au détour du Mardi-Gras : un docker arborant des sirènes tatouées, une guérisseuse vaudou, un génie du jazz en perdition.  Tout finit par se perdre dans la ville dont « la musique et l’âme imprègnent chaque recoin de cette histoire".

Blacksad, Quelque part entre les ombres de Guarnido et Canales



Blacksad est une série qu’on ne présente plus, devenue culte dès ce premier tome où la patte graphique de Juanjo Guarnido s’alliait parfaitement au scénario de Juan Diaz Canales, digne de la meilleure des séries noires. Les lignes magnifiques, le rendu des visages, la fluidité du mouvement, le naturel des silhouettes, tout chez Guarnido témoigne de l’héritage du Comics et de l’influence de son travail chez Disney. 
Les deux artistes donnent vie à une cité indéterminée, mêlant tous les topoi du polar : l’ambiance est noire, enfumée, les bars sombres, les rencontres suspectes, les visages patibulaires. La ville est un des personnages centraux parce qu’elle catalyse les passions, les exacerbe et figure la somme de la ville noire, la ville-polar qui perd les êtres dans les méandres de fumée et les vapeurs d’alcool. Il se dégage d’elle le parfum étrange des cités industrielles où se côtoient et s’affrontent richesse et pauvreté, passions et travail, crimes et divertissements. Blacksad réussit finalement la parfaite alchimie du roman noir et de la bande-dessinée, le syncrétisme génial entre le pur hommage au polar et la liberté de l’histoire. Les personnages sont suffisamment étoffés pour être intéressant et l’on imagine sans peine les potentialités soulevées par le personnage de Blacksad lui-même : détective aguerri, séducteur solitaire, félin cynique et déçu mais aussi violent, habile dont l’histoire personnelle ne se dévoile qu’avec parcimonie. Il semble perdu dans cette ville immense, symbole de l’urbanité galopante de l’Amérique des années 1950, dont les buildings écrasent les habitants. L’individualité des personnages se dessine davantage dans la foule anonyme, parfaitement rendue par Guarnido, foule obséquieuse de petits employés au service de magnats polarisant les crimes et les criminels. En d’autres termes, avec ce premier tome,  les auteurs imposent un album brut et ciselé à la fois, palimpseste réussi en hommage au roman noir, où se lisent de multiples influences, et qui annonce un bel avenir.

Les Cahiers d'Ukraine d'Igort

Ecrasant. Igort, l’auteur, rapporte les témoignages, les histoires bouleversantes d’Ukrainiens, croisés au hasard d’un détour ou d’une rencontre. Cahiers d’Ukraine est un livre de transcriptions illustrées, une mise en récit de témoignages, un travail d’historien, de conteur et d’écouteur.
Son dessin est fait de traits hachés, presque violents, nerveux. Les personnages ne sont pas de peau mais de rides, de cernes, de creux, ils sont faits des marques violentes de la vie. La dureté, la tristesse, la violence transparaissent, respirent et transpirent sans cesse de ses dessins. Le travail de la couleur continue ce travail de sape et bouleverse encore le lecteur : blancs, beiges, ocres ; le noir est la seule couleur qui se tient car de ces récits du passé, de ces témoignages d’un autre temps, la couleur s’en est allée comme si un lavis avait usé les teintes vives, les couleurs de vie. Tout est passé, des joies aux couleurs : les personnages défilent comme leurs histoires ; la mort rôde, compagne des dictatures, des injustices, de la cruauté des hommes, des fils et des épouses. Il ne reste au témoin que l’attente de la mort sans crainte ni joie, la mort sans effroi et sans appel, juste une vie qui passe ainsi que les régimes, des famines staliniennes aux dettes du capital. Ne demeure peut-être que le nom, tracé sur les lignes d’un cahier d’écolier, et l’intuition, malgré les plus injustes sacrifices, les pires renoncements et les plus durs efforts, que tout continue, comme le dit Nikolaï Vassilievitch, « simple, un geste après l’autre, ça a son charme ». Un ouvrage poignant, bouleversant, qui ne cherche qu’à raconter les choses, telles quelles, « vues et vécues », sans pessimisme ni optimisme. On le referme avec le goût acide de l’injustice et la nausée de ces systèmes huilés, administrés, acceptés, implacables et absurdes qui broient, réduisent et effacent les hommes.
                     

La conjuration de Cluny, par Alcante, Malisan, Fransecutto

L’histoire d’un complot à Cluny au XIIIème. Le dessin est hideux, le scénario classique. Amis non curieux d’histoire médiévale, passez votre chemin !

Bang ! , numéros 1 à 8

L’intégralité des 8 numéros de la revue Bang !, parue en 2003-2004. Publiée en partenariat avec Beaux Arts magazine, il s’agit d’une luxueuse revue, approfondissant quelques thèmes (Manga pour adulte, Franquin, Sexe et BD, Peinture et BD, etc) dans une édition très soignée.